Du divorce pour altération définitive du lien conjugal ou du risque de trop bien s’entendre…

L’article 237 du Code Civil dispose que : « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ». L’article 238 aliéna 1 du Code Civil définit la notion de « lien conjugal définitivement altéré » ainsi : « L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’il vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce ».

 

D’aucuns pourraient penser qu’il suffit de résider séparément depuis deux ans pour pouvoir solliciter le divorce pour altération définitive du lien conjugal. La Cour d’Appel de Versailles a rappelé que cela n’était pas suffisant dans un arrêt du 7 janvier 2016. En l’espèce Monsieur et Madame X. ont, par ordonnance de non-conciliation du 26 mai 2011, été autorisés à introduire l’instance en divorce. Monsieur X. assignait alors Madame X. en divorce en date du 21 novembre 2012, sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal. Si l’ordonnance de non-conciliation était intervenue moins de deux ans auparavant, Monsieur X. soutenait qu’en réalité il ne résidait plus avec son épouse depuis 2009, ayant pris à bail un appartement avec sa maîtresse depuis cette date.

 

Monsieur X. justifiait de la situation en produisant aux débats le contrat de bail. Il pensait ainsi remplir les conditions légales du divorce pour altération définitive du lien conjugal. Son épouse n’entendait néanmoins pas accepter un tel divorce et arguait que contrairement aux allégations de Monsieur X., ce dernier partageait en réalité sa vie entre sa maîtresse et sa famille légitime, l’homme ne pouvant faire de choix entre son épouse et sa maîtresse. Madame X. joignait ainsi aux débats des photographies démontrant le maintien de leurs relations autours des enfants et des fêtes de famille.

Madame X. expliquait également que s’agissant de la gestion de leur patrimoine, existaient entre les parties « une concertation très étroite et un esprit de soutien ». Au vu de ces éléments la Cour d’Appel de Versailles a débouté Monsieur X. de sa demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal en jugeant que : « le fait de vivre en concubinage avec une tierce personne peut tout de même s’accommoder du maintien de la communauté affective en particulier lorsque l’un des époux conserve des relations familiales avec son conjoint sans établir de façon évidente sa détermination à ne plus le rencontrer sauf à y être contraint soit pour des questions patrimoniales soit pour l’éducation des enfants lorsque ceux-ci encore mineurs vivent au domicile du conjoint à l’égard duquel il sollicite le divorce ».

 

Il en résulte que la cessation de la vie commune matériellement établie n’est pas suffisante pour obtenir un jugement de divorce pour altération définitive du lien conjugal, encore faut il également démontrer qu’existe une volonté de rompre non équivoque. Si la jurisprudence considère que le concubinage avec une tierce personne constitue un indice de l’élément intentionnel de la rupture (CA DOUAI, 16 oct. 2014, n°14/886), cela n’est pas suffisant à emporter la conviction du tribunal.

 

De fait, le fait de vivre avec un tiers n’est pas exclusif de la volonté de maintenir un lien avec son conjoint. Dès lors que des liens affectifs entre les époux subsistent et qu’il n’est pas démontré que ces derniers ont cessé depuis deux ans, même si les époux résident séparément depuis deux ans, solliciter un divorce pour altération définitive du lien conjugal pourrait de fait être voué à l’échec. Monsieur X. ne pourra en l’espèce, s’il souhaite divorcer, que recommencer l’intégralité de la procédure de divorce.

 

CA VERSAILLES, 7 mai 2016 n°14/07589


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